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Anna Sharyhina – Ukraine, la foi en l’avenir

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L’édition 2015 de Fierté Montréal a mis à l’honneur plusieurs femmes. Parmi ces présidentes d’honneur, une petite brune aux yeux rieurs, Anna Sharyhina, directrice de KyivPride, comité organisateur de la Parade Gaie dans la capitale ukrainienne.

Avec sa compagne Vira Chernygina, elles sont revenues sur les conditions de leur lutte en faveur des droits des lesbiennes – et des femmes en général – dans un pays en profondes mutations. Une grande leçon d’humilité.

En arrivant sur la terrasse du Club Unity où la fête battait son plein pour le 6 à 9 Lez Spread The Word, les deux femmes s’étonnent, autant qu’elles se réjouissent, de voir le nombre et la diversité des femmes présentes. « En Ukraine, il y a une importante séparation entre les organisations gaies et les lesbiennes, explique Anna. Le mouvement gai est plus fort grâce à d’importantes initiatives de lutte contre le SIDA qui permettent aussi de lever des fonds pour la cause homosexuelle. Les lesbiennes ne sont pas prises en compte ». « C’est parce que, en Ukraine, les lesbiennes n’ont aucun problème », rajoute Vira avec sarcasme.

Ainsi, les lesbiennes ont longtemps été les grandes oubliées du mouvement de lutte contre les discriminations faites aux personnes homosexuelles, qui a émergé en Ukraine dans les années 2000. Souvent privées de lieux de sociabilité qui leur soient propres, les femmes devaient payer plus cher leur entrée dans les clubs gais. Souvent moquées pour la modestie de leurs initiatives, les lesbiennes ne bénéficiaient d’aucun support financier ni logistique de la part des organisations LGBT ukrainiennes. « Nous avons fini par leur dire qu’ils n’avaient aucunement le droit de parler de nous, pour nous mais… sans nous, s’exclame Anna. Au début, ils se trouvaient trop cool pour faire attention à nous mais ils ont fini par accepter de nous aider. Cette année pour la Fierté de Kiev, l’accent a donc été mis sur la communauté lesbienne ».

D’après Vira, la situation des femmes homosexuelles s’améliore au fur et à mesure que se multiplient les associations et initiatives qui leur sont consacrées, qu’elles obtiennent des financements – notamment de l’étranger – et que certaines figures militantes gagnent en visibilité. « On ne relâche pas nos efforts, on essaye d’en faire toujours plus. On se réunit, on échange pour trouver des solutions à nos problèmes, on organise des activités. C’est important pour bâtir un esprit de communauté ». Le support des groupes féministes est également majeur pour faire avancer la cause.

À Kharkiv, d’où elles sont originaires, les deux femmes s’impliquent donc depuis plus de 10 ans dans la communauté LGBT et les organisations féministes. Interrogées sur ce qui les a décidées à s’engager, les deux jeunes femmes sont unanimes : « Personne ne faisait rien […] En voyant nos livres, nos lois, je me demandais comment vivre et me protéger dans ce monde, se souvient Vira. Alors j’ai décidé de changer les choses. Dans notre ville d’abord, puis notre pays ». De son côté, Anna se remémore ses études de psychologie : « Tout le monde disait que l’homosexualité était une maladie mentale. J’ai compris que c’était la société qui était malade. Nous avançons pas à pas ».

Plusieurs batailles ont d’ailleurs été gagnées. La deuxième Marche de l’égalité de Kiev a beau n’avoir duré qu’une dizaine de minutes et avoir été interrompu par des heurts violents, elle a, pour la première fois cette année, bénéficié d’une protection policière et de l’appui de plusieurs personnalités publiques, dont celle du Président ukrainien Petro Poroshenko, de députés et d’ambassadeurs étrangers. Il y a eu davantage de participants et la couverture médiatique a été positive.

« Cette année, à la marche, c’était terrifiant, raconte Anna. Des militants d’extrême-droite ont ouvert le feu sur nous. C’était dangereux mais nous gardons espoir. L’année prochaine, nous envisageons d’ouvrir la marche aux alliés, pour montrer l’ampleur du soutien à la communauté LGBT et dissuader l’usage de la violence ».

Ces petites victoires, les deux activistes acceptent d’en payer le prix. « J’ai un fils et je m’inquiète pour lui, admet Anna. En septembre, il va retourner à l’école pour la première fois depuis la marche et je me demande comment ses amis vont réagir ». Vira, quant à elle, a conscience que ses parents risquent, un jour ou l’autre, de découvrir ses activités bénévoles et son orientation sexuelle. « Je fais en sorte de ne pas trop m’exposer mais s’ils me voient un jour brandir le drapeau gai, c’est comme ça. J’ai toujours été lesbienne, je n’ai pas peur de la pression exercée par la société », affirme-t-elle.

A l’issue de son séjour à Montréal, Anna s’interroge : « C’est extraordinaire de voir comme les gens ici sont chaleureux et ouverts. Je n’avais jamais eu la possibilité d’être ouvertement lesbienne, avec fierté et sans crainte. Cela donne envie d’atteindre la même chose en Ukraine. Mais je ne suis pas certaine de savoir comment mettre à profit cette expérience pour améliorer la situation chez moi, où les gens pensent encore que l’homosexualité ne doit pas s’exposer dans la rue ».

Chose certaine toutefois, soutenues par certains de leurs collègues et amis, encouragées par les changements qu’elles observent dans la société, Anna et Vira n’ont aucunement l’intention de renoncer. Et s’il était possible pour elles de partir vivre leur relation au grand jour à l’étranger? Elles sont unanimes encore : « Ce serait plus simple bien sûr. Mais il n’en est pas question. Je veux prendre part aux changements qui se déroulent dans mon pays »!

Par Claire Gaillard

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