Depuis le 7 août dernier, l’exposition Rainbowall et sa bande sonore égayent le mur extérieur de l’ancienne église Vie et Réveil (autrefois cinéma Champlain) dans le Village. C’est à la québécoise Danielle Roy, cofondatrice du festival Juste pour Rire, que l’on doit le renouveau temporaire de ce bâtiment fermé et inusité depuis 2004. Une œuvre qui marque également sa troisième contribution de l’année au profit de la communauté LGBT.
La femme est graphiste, designer et metteure en scène de renommée internationale. Elle est une figure des arts de la rue, à l’origine du Charivari, défilé annuel de Juste pour Rire, dont elle a longtemps été la directrice artistique. Artiste multidisciplinaire, elle crée l’affiche annonçant le retour de Charles Trenet sur scène et collabore avec Franco Dragone à la création de la Disney Cinema Parade et de l’Opéra urbain à Paris. En 2009, elle signe le spectacle inaugural de la place des festivals, Le grand baiser de Montréal puis, en 2011, crée le Pink Carnaval mettant en vedette Jean Paul Gaultier. Danielle Roy a su s’entourer des meilleurs et la liste de ses réalisations pourrait donner le vertige. Mais c’est toujours avec enthousiasme et passion qu’elle se lance dans un nouveau projet.
A l’occasion du 15ème anniversaire de la Fondation Emergence qu’elle préside, Martine Roy recherchait un objet unique à remettre au récipiendaire du prix Laurent-McCutcheon 2015. C’est donc tout naturellement auprès de sa sœur ainée qu’elle a cherché l’inspiration. « Je lui ai dit que si je recevais un prix pour la lutte contre l’homophobie et la transphobie, j’aimerais recevoir une boule rose de Claude Cormier qui décore le Village », raconte Danielle Roy. Quelques mois plus tard, Monique Giroux, animatrice de Radio Canada recevait une superbe boule rose, coulée en bronze, présentée dans une pochette de suédine bleue dont la doublure intérieure représente l’arc-en-ciel.
« Si l’arc-en-ciel représente le monde gai, il évoque aussi la diversité, toutes les couleurs que nous sommes, nos différentes facettes. Alors je me suis mise à dessiner des personnages touchés par l’arc-en-ciel ». C’est ainsi qu’est né le projet Rainbowall.
Les premiers dessins de Danielle Roy sont devenus sept tableaux qui ont ensuite été imprimés sur les panneaux d’aluminium visibles ces dernières semaines sur la rue Ste Catherine, aux abords du métro Papineau. « Je voulais avoir de grandes affiches dans la ville. En marchant, j’ai trouvé ce mur. De jour, j’ai vu, sur l’ancienne enseigne, des lettres restantes former le mot Être. Juste à côté, une citation de Cocteau : “il faut faire aujourd’hui ce que les autres feront demain”». Tous les signes l’invitaient à aller de l’avant et il n’y a pas grand-chose pour arrêter celle qui s’expose aussi bien au Musée des Beaux-Arts que dans les jardins du Ritz.
Accompagnés par les voix de Danielle et de son fils Arthur, les passants défilent devant l’histoire de Conception. « Les gens m’ont dit que c’était bien de donner de l’amour à ce mur-là. Parler d’amour ce n’est pas rien. Si mes images réconfortent, si elles viennent toucher les gens c’est déjà un grand pas », se réjouit la créatrice qui avoue inscrire son travail dans une démarche plus globale.
« Cette cause là pour moi provoque une prise de conscience plus large. J’ai réalisé que le travail de lutte contre l’homophobie et la transphobie peut faire référence à tous les êtres humains en général, à tous les combats qu’on mène ». En utilisant l’arc-en-ciel comme signe de lien entre les êtres humains, comme «signe de vie», Danielle Roy espère propager un message de tolérance et d’ouverture « mais sans jugement», précise-t-elle.
Ce travail de sensibilisation, elle l’avait déjà entamé en acceptant de participer aux Couples imaginaires du français Olivier Ciappa qui l’avait photographiée endormie au côté de la chanteuse et actrice Chloé Sainte-Marie. L’exposition avait été présentée en mai 2015, au Complexe Desjardins, dans le cadre du projet Les alliés s’exposent. Et force est d’avouer que la communauté LGBT ne pouvait rêver d’une meilleure alliée.
Par Claire Gaillard