Rares sont les lesbiennes qui déclarent utiliser régulièrement la digue dentaire. Encore faudrait-il qu’elles sachent qu’il ne s’agit pas d’un appareil pour lutter contre l’hyper-salivation ou les dents croches, mais bien du préservatif lesbien !
La digue dentaire est un carré de latex ou de polyuréthane assez mince qu’on utilise généralement pour prévenir les infections qui se transmettent sexuellement ou par le sang (ITSS) lors d’un cunnilingus ou d’un anulingus, par exemple. Dis comme ça, rien de sexy. La digue s’achète dans certaines boutiques érotiques à des prix relativement élevés (4,99 $ plutôt que 2-3 $ en ligne). Initialement conçue pour les chirurgies dentaires, la digue dentaire permettait d’isoler une ou plusieurs dents afin d’éviter de contaminer le reste de la bouche pendant une intervention. Cela crée parfois encore de la confusion auprès de certaines utilisatrices. « La première fois que j’ai entendu parler de la digue dentaire et que j’ai cherché le terme sur Internet, les photos m’ont fait peur ! » s’exclame Béatrice, 35 ans.
Barrières à l’utilisation
Une recherche australienne de 2010 — menée auprès de 330 femmes ayant pratiqué le sexe oral avec une autre femme — dévoile que seulement 2 % d’entre elles utilisent régulièrement la digue dentaire. Diana, 21 ans, confesse : « Si une fille se mettait à m’en parler, je serais surprise. Je n’ai jamais eu de partenaire qui en utilisait. » Ce que confirme un sondage d’Autostraddle de 2015 qui rapporte que plus de 75 % des 8 566 lesbiennes interrogées n’utilisent pas cette méthode de protection. Le mythe répandu qu’il est peu probable de contracter une ITSS entre lesbiennes est une importante barrière à l’utilisation de la digue dentaire. Il ne faut pas oublier que la majorité des recherches stipule que les pratiques sexuelles les plus à risques sont liées à la pénétration par coït d’un pénis. « Pourquoi utiliser la digue dentaire si les hétéros ne l’utilisent même pas ? », questionne ainsi Michelle, 56 ans.
Les ITSS : où ça, sur moi ?
Pourtant l’orientation sexuelle ne protège pas des ITSS. Une étude de Pinto réalisée en 2005 relève que 38 % des lesbiennes et bisexuelles ont déjà été atteintes d’une ITSS. Le département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis explique que les ITSS se transmettent par le contact de peau à peau, par la transmission de fluide vaginal (bouche / vagin), par le sang menstruel, mais aussi lorsqu’on s’échange des jouets érotiques entre amantes. D’après la docteure Jeanne M. Marrazzo, contributrice au livre Lesbian Health 101, les lesbiennes sont plus susceptibles que les hétérosexuelles d’être infectées par le virus du papillome humain (VPH, qui, sur le long terme, augmente le risque de cancer du col de l’utérus) et l’herpès, deux infections dont on ne guérit jamais. Hélène, 41 ans, l’avoue : « Je ne me suis jamais protégée, je ne pensais pas que c’était nécessaire. Je n’ai eu que quatre partenaires dans ma vie. Mais la dernière avait le VPH et je l’ai attrapé. Je me demande comment je vais faire pour trouver de nouvelles partenaires sexuelles maintenant. » Selon le livre Fenway de l’association des physiciens américains, les lesbiennes seraient aussi plus à risque que les hétérosexuelles de contracter des vaginites qui se transmettent par contact direct avec les fluides vaginaux. Et même si la vaginite est facilement traitable par la prise d’antibiotiques, une vaginite non traitée facilite la transmission d’autres ITSS. La protection sexuelle a longtemps été perçue comme un obstacle à la magie et à la spontanéité dans la sexualité. Jade, 18 ans, raconte : « Ce qui me met à l’aise au lit avec une partenaire, c’est de parler des choses que j’aime, comme mes besoins sexuels, et de mes limites. Mais en matière de protection sexuelle, c’est plus délicat. » Il ne faut pas oublier que plusieurs guides, tel que Les klamydias, peuvent aider les lesbiennes à connaître les divers moyens de protection ainsi que les risques reliés aux diverses pratiques sexuelles.
La santé des lesbiennes
Les femmes LGBTQ+ sont les moins portées à consulter les gynécologues. Le livre Lesbian Health 101 souligne que les lesbiennes ont souvent plusieurs expériences négatives avec des médecins, ce qui les poussent à consulter plus rarement que la moyenne. Gabriella, 23 ans, n’en revient toujours pas: « J’ai demandé à mon médecin de faire un test de dépistage pour les ITSS, mais il m’a répondu que ce n’était pas nécessaire parce que j’étais lesbienne. J’ai dû insister. » Il est difficile, même en 2016, d’approfondir le sujet de la santé sexuelle des lesbiennes. Les recherches qui se basent sur un petit échantillon de lesbiennes concluent souvent que les probabilités de transmissions entre femmes sont très basses. Cela n’implique pas nécessairement l’absence d’ITSS. Plusieurs guides médicaux tels que Lesbian Health 101, Fenway et autres, soulignent que les médecins disposent de peu d’information fiable à transmettre aux lesbiennes et le sujet a peu de chance d’être mis de l’avant à l’agenda gouvernemental. La sensibilité des discussions sur la protection sexuelle, la difficulté à s’en procurer ainsi qu’à obtenir de l’information adéquate diminuent donc la probabilité de l’utiliser. Les recherches s’entendent pour dire qu’acquérir des connaissances diminue la possibilité d’être infecté. Malheureusement, les lesbiennes restent les grandes oubliées de celles-ci.
DIGUE À FAIRE SOI-MÊME
Si vous n’avez pas peur de mettre les mains à la pâte et souhaitez faire des économies, sachez que vous pouvez aussi confectionner votre digue vous même.
1. Sortez un condom de son emballage,
2. Déroulez-le et coupez les deux extrémités,
3. Coupez le tuyau dans le sens de la longueur.
Par Marjolaine Landry
Photos – Kelly Jacob
Direction artistique – Carolyne De Bellefeuille