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« Je te vois. Ici l’invisibilité se termine ». Pour la 4ème édition de sa marche montréalaise, le collectif de la Dyke March affiche clairement son caractère engagé et ses ambitions. Pour l’occasion, toutes les personnes s’identifiant comme lesbiennes sont invitées à marcher pour la visibilité des femmes homosexuelles. Une semaine avant les célébrations de la fierté gaie, les dykes seront donc les premières à prendre la rue. Rencontre avec 2 des membres du collectif organisateur.

Entrevue

Qu’est-ce que c’est la Dyke March?

Laurie-Anne : La Dyke March existe à Montréal depuis 2012. Ça se passe toujours une semaine avant la fierté. La 1ère semaine d’août. À la base, la marche a été créée dans un esprit de communauté pour rassembler un ensemble de personnes qui s’identifient comme lesbiennes. L’idée c’est de faire quelque chose par et pour les lesbiennes. On est un collectif indépendant. On n’est pas subventionné. On fait ça par nous-même avec les bonnes volontés de toutes celles qui veulent s’impliquer avec nous.

Valérie : Initialement, l’idée de la Dyke March vient des lesbians avengers aux USA, un groupe de lesbiennes parties d’Act Up qui ont eu l’idée de créer des dyke March pour rendre les enjeux lesbiens plus visibles. Ce que j’espère, c’est que la Dyke March encourage plus de gens à militer pour la visibilité lesbienne. On croit à la diversité des initiatives. On encourage les lesbiennes à créer leurs propres projets. On pourrait avoir des groupes comme « Dykes on bike » qui se joignent à nous en vélo, qui s’impliquent différemment pour faire évoluer la marche.

Le 13 août, Fierté Montréal organise également une Marche des lesbiennes et alliés.es. Quelle est la différence entre les deux marches?

Valérie : Il y a version plus institutionnelle et une version plus grassroot. La Dyke March est une marche plus politique, non-mixte, anti-capitaliste, anti-patriarcat. La Dyke March montre que les lesbiennes peuvent s’organiser elles-mêmes et faire des choses qui peuvent prendre de l’ampleur sans l’appui d’une institution. Même si certaines lesbiennes travaillent à rendre ces institutions plus ouvertes, c’est quand même très difficile d’assurer la visibilité des lesbiennes quand il y a surreprésentation masculine dans la Fierté mais déjà une sous-représentation des lesbiennes dans la société. C’est un double travail à faire. C’est pour ça que nos 2 organisations font un travail tout à fait différent mais tout aussi important pour la communauté.

Laurie-Anne : Avoir plus d’une marche, ça permet de multiplier les espaces de visibilité. Regrouper tout le monde dans un seul lot, ça ne correspond pas à la réalité. Il y a des gens qui ont des préférences politiques ou des esprits différents qui ne se reconnaissent pas forcément dans les représentations officielles de la communauté. Il y a des idées de Fierté avec lesquelles les gens qui font partie de la Dyke March n’adhèrent pas nécessairement. Mais malgré nos différences, nous avons tous à cœur la visibilité des lesbiennes. C’est ce qui nous unis et j’espère que ça ne changera jamais. On vient juste de rencontrer 2 des organisatrices de la marche des lesbiennes, on va rédiger un communiqué ensemble.

Pourquoi avoir choisi une marche non mixte?

Laurie-Anne : Je pense que ça va dans cette idée de visibilité. On remercie les allié(e)s de leur appui et aide mais on veut mettre la lumière sur les lesbiennes. La présence des alliés, ça estompe un peu cette idée-là. On revendique des espaces complètement lesbiens. On veut montrer qu’on est capables de créer des choses et d’occuper des espaces par nous même sans forcément avoir besoin du soutien d’une institution.

Valérie : Nous entendons par « lesbienne » toute personne qui s’identifie comme tel, c’est-à-dire toute femme cis, trans ou intersexe ainsi que toute personne au genre non-binaire qui est queer, genderqueer, intersexe ou bispirituel.le qui s’identifient comme lesbienne, bisexuelle, pansexuelle, lesboromantique et/ou queer. On est très inclusives. On veut mettre l’accent sur le fait que l’identité peut aller au-delà du genre, qu’il y a aussi plusieurs façons de vivre son genre. Ce qui importe ce n’est pas tant que tu t’identifies comme femme mais que tu t’identifies comme lesbienne. On veut montrer une diversité de personnes, une diversité de réalités, une diversité de façons d’être lesbienne.

Pourquoi le mot « radical » a-t-il été retiré du nom de la Dyke March?

Valérie : C’est surtout par souci de redéfinition. Le mouvement des lesbiennes radicales est un mouvement théorique et communautaire qui a existé au Québec. Les enjeux étaient différents. Sans oublier l’histoire, on veut créer quelque chose d’actuel et d’ancré dans nos réalités. Qu’est-ce que c’est être lesbienne de nos jours? Pourquoi continuer à militer quand on a acquis autant de droit? Qu’est-ce que ça veut dire la visibilité lesbienne aujourd’hui? Notre idée, c’est que la visibilité lesbienne ce n’est pas seulement être visible aux yeux du monde hétérosexuel, c’est déjà d’être visible entre nous. D’où notre slogan. La marche c’est un mouvement de visibilité pour les lesbiennes invisibilisées dans leur milieu de travail, dans la rue, dans leur milieu de vie, celles qui n’ont pas « l’air d’une lesbienne ».

Laurie-Anne : On se voit aussi parce qu’on participe collectivement à une chose dans laquelle on est capables de se reconnaitre et d’interagir ensemble. C’est se constituer en réseau.

Mais vous revendiquez toujours un certain engagement politique?

Laurie-Anne : Depuis la création de la Dyke March à Montréal, sans être nécessairement radicalement anarchiste ou extrémiste, l’évènement est toujours associé à un enjeu politique. En 2012, c’était les grèves étudiantes, l’an dernier contre l’austérité. On regroupe en général des personnes qui viennent de milieux politiques et militants. Le mot dyke, c’est aussi un peu une réappropriation politique du mot lesbienne, un peu comme gouine en France ou PD. C’est l’idée de prendre un mot très péjoratif et de le reprendre à notre compte.

Est-ce que ces revendications politiques « globales » ne risquaient pas de réduire l’attention portée aux enjeux lesbiens?

Valérie : L’idée c’était plutôt de mettre en lumière le travail des lesbiennes dans les communautés et la société en général. Il ne faut pas sous-estimer le nombre de lesbiennes impliquées dans les milieux militants pour une multitude de causes. On voulait les rejoindre et leur dire «votre message est important et on aimerait s’associer pour porter des enjeux spécifiquement lesbiens». C’était important d’allier les luttes.

Laurie-Anne : La Dyke March, c’est plus qu’une gang de lesbiennes en colère ou une simple parade. C’est véritablement un engagement politique. Un groupe de femmes engagées qui s’unissent pour une cause.

Cette année, la Dyke March se déroulera le vendredi 7 août à 19h00. Départ du Carré Saint-Louis. Suivi d’un after party avec des live bands et DJ à la Sala Rossa.

https://www.facebook.com/events/534432853376048/

Par Claire Gaillard

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