Sandy Duperval sort « All Night », premier extrait de son premier album prévu pour l’automne. Un nouvel opus qui s’apparente à un second souffle après que la montréalaise ait traversé plusieurs épreuves personnelles et qu’elle a voulu à son image. Rencontre avec une artiste authentique et généreuse.
Entrevue
1- Ce nouveau projet, tu le qualifies de « retour à la musique ». Le public, qui a notamment pu te voir ces dernières années au Unity, au New City Gaz, au Lesbomonbe, dans la comédie musicale Hairspray ou encore pendant les célébrations de la Fierté, n’avait pourtant pas eu l’impression que tu aies disparu…
Quand j’ai fini Star Académie, je suis partie vivre en Allemagne, j’ai mis beaucoup l’emphase sur ma carrière de DJ. Ca fait au moins 10 ans que je n’ai pas été sur le marché de la musique en tant qu’interprète. Là c’est vraiment un retour à l’auteure-compositrice. C’est un retour à l’artiste.
L’album est un hymne à la liberté et aux possibilités. Je veux que les gens sachent que j’ai survécu à des obstacles et des tragédies énormes. Je veux dire que tout arrive pour une raison. Tout ce qui doit arriver va arriver. Il ne faut jamais perdre le focus sur nos rêves. Il ne faut jamais arrêter de rêver et jamais arrêter de travailler fort pour les choses qui nous tiennent à cœur.
2- Quel est le ton de l’album?
L’album au complet est très personnel mais à la sauce d’aujourd’hui avec des sons un peu électros acoustiques. Beaucoup de musiciens y ont collaboré. Ça parle de mon parcours, mon histoire. C’est un peu mon journal intime. J’ai perdu ma mère et ma grand-mère dans les 3 dernières années. Il y a encore une chanson – hommage à ma mère – que j’ai de la difficulté à interpréter mais qui, je crois va pouvoir inspirer énormément de personnes.
Aussi j’ai été en relation pendant 5 ans, on était fiancées. Donc sur l’album il y a des chansons qui parlent d’amour, des chansons qui sont très personnelles à mon ex. Mais tout ça est livré de manière assez légère. Ce n’est pas un album difficile à écouter. Ça fait longtemps que je travaille dessus. Il est vraiment à l’image de ce que je suis. Je ne peux pas demander mieux et j’ai vraiment hâte de le partager.
3- C’est nouveau pour toi de te livrer au travers de ta musique?
Pas du tout. Quand j’écris, quand je produis c’est vraiment inspiré d’émotions que je vis. Et aussi de mon entourage, des choses que j’observe. Je pense que si mon histoire n’est pas partagée, n’inspire ou ne sert à personne je la vis en vain. Par exemple, il y a quelques années, j’avais un gros béguin pour quelqu’un et je ne lui ai jamais dit. Ça m’a pris 2 ans pour lui dire Allo. Et le jour où je l’ai fait je pensais que j’allais m’évanouir. « All Night », c’est un peu un exutoire. C’est une chanson qui est tiré de ma timidité. Je réussis à dire ce que je ressens à quelqu’un qui ne le saura jamais au fond.
4- On sait de toi que tu évolues dans la musique depuis toujours en tant que chanteuse, DJ et productrice mais qui est Sandy Duperval, la femme?
Je n’ai jamais eu l’occasion d’en parler vraiment. Quand j’arrive sur scène je donne tout ce que j’ai, pourtant je suis une personne timide. J’ai énormément de difficulté à approcher les gens surtout quand j’éprouve un réel intérêt. Celle que je suis, je l’ai reçu en héritage de ma mère et ma grand-mère. Elles m’ont transmis une grande force de caractère, l’intégrité, la dignité, la fierté d’être soi-même dans toutes nos différences. Je n’ai jamais fait mon coming-out à ma grand-mère pourtant, quand elle a laissé son testament, elle s’est assurée de dire qu’elle le savait et que ça n’a jamais changé sa façon de m’aimer. Ma grand-mère était l’amour de ma vie, c’était une personne très religieuse.
Je lui ai présenté toute mes copines, elle ne m’a jamais condamné, confronté, incité ou empêché de vivre ma vie. Pourtant, on n’en a jamais parlé directement. C’était ma façon à moi de respecter ses convictions, sa vision des choses. L’album c’est ma façon à moi de dire à tout le monde que j’ai une histoire, que je veux la partager, que je suis fière de tout ce que je suis et que je n’ai aucune honte.
5- Dans une entrevue accordée au magazine Fugues l’année dernière tu disais ne pas ressentir le besoin de faire un coming-out médiatique. Est-ce toujours le cas?
Si on me pose la question je le dis sans aucun problème. Mais, en tant qu’artiste, que tu sois gaie ou pas, si tu ouvres la porte sur ta vie privée, ça peut prendre des proportions incontrôlables – surtout que je viens d’une communauté relativement homophobe. C’est la seule raison pour laquelle je n’ai jamais trouvé nécessaire de faire un coming-out en tant que tel. Mais c’était primordial pour moi de ne pas mentir. Simplement, j’essaie de ne pas mettre l’attention sur ce que je fais dans ma chambre à coucher mais plutôt sur ce que je fais en studio.
Je connais des gens qui ne vivent pas bien leur homosexualité, qui se cachent. Moi ce n’est pas le genre de vie que j’ai voulu adopter. Si les gens veulent me condamner, ça ne me dérange pas, j’assume complètement. Par contre je suis consciente de la sensibilité des gens et, d’un côté, je la respecte. C’est souvent de l’ignorance. Avec tous ceux qui sont ouverts, j’en parle, on en discute, on a parfois des débats. Puis je réalise que les gens sont beaucoup plus ouverts qu’ils veulent le croire.
6- Est-ce que ton orientation sexuelle a déjà suscité des difficultés?
Je trouve qu’il y a beaucoup plus d’ouverture maintenant, il y a beaucoup de travail qui a été fait par les organisations, les gens qui font un travail de sensibilisation au quotidien. Par contre, c’est encore tabou. Pour moi ce n’était pas tellement important, j’ai juste vécu ma vie. Ça revient à dire que ça ne peut pas m’atteindre si je ne le laisse pas m’atteindre.
Je peux avouer qu’être une femme, être une femme de couleur, être une femme de couleur gaie, c’est tout un défi parfois mais j’ai la chance d’avoir travaillé avec des gens avec qui j’ai toujours eu de très bonnes relations et qui ont connu mes copines. Si la personne qui m’engage ne peut pas accepter la personne que je suis, peut-être qu’on n’est tout simplement pas fait pour travailler ensemble. Je suis chanceuse je n’ai jamais eu de problème. Tous ceux qui m’ont contacté pour me proposer des contrats ou m’inviter à des soirées sont des gens ouverts, éduqués et qui aiment ce que je fais. C’est quelque chose qui m’a gardé dans le domaine sinon je n’aurai pas continué.
7- Quel est ton rapport avec la communauté LGBT?
Je lui dois ma carrière. Je peux en dire autant de ma communauté haïtienne. Mais dans la communauté LGBT je me sens à la maison parce que je me sens acceptée, libre, je sens que je peux partager mes folies, faire tomber mes inhibitions. Si le Unity ne m’avait pas offert la plateforme que j’ai eue, je n’aurai pas eu le même parcours dans la musique. J’éprouve une gratitude infinie. Dans tout ce que je fais, je sais que je ne représente pas seulement Sandy Duperval mais aussi les gens qui m’ont entouré. La cause de la communauté c’est ma cause et j’en serai toujours une fière représentante.
8- Comment se profilent les mois à venir?
J’ai énormément de projets en cours. J’habite à Toronto maintenant mais j’ai toujours mes bureaux à Montréal (sa maison de production Freedohm Records fondé en 2008, ndlr). Ma grand-mère était chef donc j’ai grandi avec une passion pour la fine cuisine et la cuisine du monde aussi forte que celle que j’ai pour la musique. Je rentre en Arts Culinaires en septembre à Toronto. Entre les cours et pendant les vacances je vais continuer à faire de la musique, à faire des tournées, à voyager. Ça me permet de continuer à m’épanouir. J’ai besoin d’être occupée sinon je déprime.
Visionnez sa nouvelle vidéo pour « All Night »:
SINGLE DISPONIBLE MAINTENANT sur iTunes
All Night par Sandy Duperval
Avec version remixé par Jason Fraser, Mike Robia et Edhim & Martin Villeneuve Info et vidéo à www.sandyduperval.com
Sandy Duperval sera en représentation à la Lipstick Jungle pendant la Pride de Toronto ce samedi 27 juin à 14h30 et le vendredi 3 juillet prochain pour la College Night du Club Unity à partir de 22h.
Par Claire Gaillard