Les interventions visant à changer l’orientation sexuelle, de l’anglais sexual orientation change efforts (SOCE), aussi appelées thérapies « réparatrices », « de réorientation sexuelle » ou « de conversion », sont dorénavant de plus en plus difficiles à pratiquer au Canada. L’Ontario a décrété le mois dernier l’arrêt de leur financement par les fonds publics et a déclaré illégales pour les mineurs les pratiques visant à changer l’identité sexuelle et l’identité de genre. La province veut ainsi mettre fin à des méthodes parfois controversées dont les résultats ne sont pas appuyés scientifiquement.
Cheri Dinovo, représentante à la chambre des communes ontarienne, est à la source des nouvelles restrictions sur ces pratiques, ayant porté le projet de loi 77 nommé « Acte pour l’affirmation de l’identité sexuelle et de genre ». Ces interdits font en sorte, selon elle, que l’Ontario « ne permettra plus que les enfants LGBTQ vulnérables ne soient sujets à ces soi-disant thérapies de conversion abusives et non éthiques. » Mme DiNovo est également porte-parole de l’opposition sur les questions de diversité sexuelle et pasteur de l’Église Unie du Canada ayant célébré le premier mariage gai au Canada.
Kathleen Wynne, première ministre de l’Ontario et lesbienne, affirme que ces thérapies sont basées sur la présomption selon laquelle être homosexuel ou transgenre serait mal et devrait être corrigé, alors que cela ne fonctionne tout simplement pas. Elle ajoute que les tentatives d’altération de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre d’un individu sont dangereuses et n’ont pas leur place en Ontario.
Le ton de ces déclarations est clair, d’autant plus que la loi a été approuvée à l’unanimité par les trois partis politiques de la province.
Thérapie « réparatrice » ou de « conversion » : de quoi parle-t-on?
Selon une étude publiée par l’American Psychological Association (APA), l’intervention visant à changer l’orientation sexuelle décrit « tous moyens de changer l’orientation sexuelle […]. Ceci inclut le travail des professionnels de la santé mentale, de non professionnels, représentants religieux, groupes sociaux ou autres regroupements laïques, tels que les groupes d’entraide. » (APA, 2009)
Les opinions divergent quant à savoir s’il est possible, et dans quelles mesures, de changer d’orientation sexuelle par ces interventions.
L’APA, avec laquelle s’enlignent l’Ordre des Psychologue du Québec (OPQ) et l’Organisation panaméricaine de la santé, considère l’homosexualité comme n’étant ni un trouble, ni une maladie mentale, mais une variation normale et positive de l’orientation sexuelle humaine. Elle est d’avis qu’il existe une incompréhension de l’homosexualité, alors qu’est promue, en même temps, l’idée que l’orientation sexuelle peut être changée. Or, selon elle, il n’existe aucune étude scientifique, rigoureuse, adéquate et récente pour conclure que ces interventions y parviennent.
Selon d’autres groupes et individus, souvent religieux, mais parfois aussi laïques, il est possible de se défaire d’attirances homosexuelles non-désirées. Afin de s’harmoniser avec ses croyances religieuses ou parce qu’il est considéré qu’un individu a le droit de vivre en accord avec ses valeurs personnelles, la possibilité d’explorer ces choix via diverses ressources d’aide est offerte : thérapies, groupes d’échange, week-end organisés, ateliers, conférences, etc.
Les thérapies réparatrices ont été objet de controverses à propos de cas d’abus et de violence, alimentant les tensions, notamment entre associations religieuses et de défenses des droits LGBTQ. Par ailleurs, l’OPQ soutient que les interventions visant à changer l’orientation sexuelle peuvent avoir un impact négatif important et augmenter la détresse d’une personne plutôt que de la diminuer, pouvant aller de l’anxiété et la perte de désir sexuel, jusqu’à la dépression et l’idéation suicidaire. Ceci affecterait particulièrement les personnes dont les espoirs de changement se sont avérés vains.
Au Québec
Au Québec, il n’y a pas de loi régissant les interventions visant à changer l’orientation sexuelle. Par contre, l’OPQ les considère comme des formes de psychothérapie ne répondant pas à ses exigences éthiques et déontologiques et en interdit la pratique par ses membres.
Par Catherine Paul