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Outre le fait que l’un n’empêche pas l’autre, que peuvent avoir en commun les membres des communautés LGBT et les autochtones? La question de leur identité et de leur rapport aux autres, notamment à la « majorité ». Ces thèmes, qui n’en finissent plus d’être d’actualité, sont très efficacement explorés dans la pièce Muliats, présentée jusqu’au 20 février 2016 dans la Salle Fred Barry du Théâtre Denise-Pelletier.

Clarifions tout de suite le propos. Muliats ne parle pas d’homosexualité. La pièce raconte l’histoire d’un Innu de Mashteuiatsh (Lac St Jean), Shaniss, qui décide de quitter sa réserve pour s’installer en milieu urbain. Il y fera la rencontre de Christophe, jeune allochtone et montréalais d’origine, qui deviendra son colocataire.

Les deux hommes vont s’observer, se sonder, s’engueuler, se marrer, s’interroger… sur l’autre et sur eux-mêmes. Ils vont être confrontés à leurs différences, leur ignorance et à tout ce qui les sépare. À force d’échange, de curiosité mais aussi de maladresses, ils parviendront finalement « à vivre la beauté de leurs différences et chercheront ensemble à résoudre les dissonances identitaires auxquelles ils sont confrontés ».

La rencontre et la quête d’identité c’est tout l’enjeu de la pièce mise en scène par Xavier Huard. Muliats a pour objectif de sonder « le gouffre, trop souvent ignoré, qui existe entre deux nations en recherche de repères ». Les personnages se découvrent et s’apprivoisent, le public lui-même s’observe de part et d’autre de la scène. Acteurs et spectateurs entrent également en interaction lorsque Marco Collin sort de son personnage et grimpe sur l’unique table du décor pour donner une leçon d’innu. Cette langue, encore bien vivante au sein des communautés, est par ailleurs très largement utilisée dans la pièce. Certes on ne comprend rien. On se sent… différent et exclu. On se sent étranger. La boucle est bouclée.

La question du rapport à l’autre, Muliats l’aborde sans jamais imposer de façon de faire ni même être moralisateur. À plusieurs reprises, on touche même du doigt ce qu’autochtones et non autochtones peuvent avoir « en commun ». Ainsi à la lecture de Speak White de Michèle Lalonde, Shaniss pense avoir trouvé un texte évoquant son peuple. Le poème fait en fait référence à la situation de la population québécoise francophones face aux anglophones.

Sans même y prétendre, la pièce séduit par l’actualité et l’universalité de ses propos. Racisme ordinaire, définition sociale et culturelle, préjugés sont autant d’obstacles à traverser pour arriver, à force de curiosité et d’ouverture sincère, à l’acceptation des autres et de soi.

« Qui voudrait subir le dédain et les flagellations du monde? », s’interroge le personnage de Shaniss, qui préfère se faire appeler Charles pour ne pas être identifié comme un autochtone. « Le racisme, c’est de l’ignorance. Pire encore, le racisme, c’est de l’ignorance qui essaie de se faire passer pour de l’information. […] Tout le monde a son idée sur ce qu’est un indien », rajoute-t-il un peu plus tard.

Quelles que soient nos origines culturelles, nos opinions personnelles, notre orientation sexuelle, notre profession ou notre âge, Muliats ne laissera pas indifférent. La production soulève des interrogations, ébranle nos convictions, nous pousse à questionner nos propres idées reçues et susceptibilités. Ainsi Christophe, qui multiplie les tentatives bienveillantes pour approfondir son lien avec Shaniss, finira par s’agacer que son colocataire soit sur la défensive : « Tu me déroules un champ de mines. Après ça, moi, je peux juste me tromper ». Finalement, Muliats nous invite à repenser nos façons d’aborder les autres et leurs différences, même lorsque l’on nourrit de bonnes intentions.

Découvrir Muliats, c’est aussi assister à la naissance des Productions MENUENTAKUAN, une compagnie de théâtre qui se donne pour mission « d’engager les Québécois et les Autochtones dans une nouvelle discussion ». Ils y parviennent avec brio. En témoigne le nombre de spectateurs emballés, restés après la représentation pour échanger entre eux et avec la troupe. Pour « prendre le thé en bonne compagnie, se dire les vraies choses et avoir du bon temps », puisque c’est ainsi que pourrait se traduire MENUENTAKUAN.

Le spectacle a été écrit en collectif par les trois cofondateurs des nouvelles Productions Menuentakua : le comédien et metteur en scène Xavier Huard, allochtone et montréalais, les comédiens Charles Bender (Le 8e Feu, Sioui-Bacon) de la nation huronne-wendat et Marco Collin du peuple innu (Bill Wabo dans Les pays d’en haut) en collaboration avec les deux autres comédiens du spectacle : Christophe Payeur, jeune acteur de la relève (Détruire, nous allons), et Natasha Kanapé Fontaine, comédienne, poète, slameuse, fière représentante du peuple Innu et du mouvement autochtone pancanadien Idle no more dont le message est celui du dialogue, de la réconciliation, de la guérison et de l’échange.

Bande-annonce: https://www.youtube.com/watch?v=QniMmlLmGp8

Par Claire Gaillard

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