En partenariat avec LSTW et le Gris Montréal, le festival Massimadi présentait tout récemment le film Nude Area, de Urszula Antoniak. Une frêle brunette à la garde-robe raffinée, interprétée par l’actrice Sammy Boonstra, habite une imposante maison meublée de bibliothèques opulentes. La sublime Imaan Hammam, qui incarne une jeune fille de confession musulmane, deviendra son obsession. Les boucles de ses cheveux cachées sous son voile blanc, elle longe les murs de briques grises qui dessinent sa banlieue misérable. La rencontre entre deux élégances qui s’électrisent.
Il n’y a pas de dialogue dans Nude Area. Pas d’intrigue, pas de notion du temps, pas d’identité révélée. On distingue tout juste les rues d’Amsterdam. Deux silhouettes féminines s’attirent et se poursuivent. On comprend que l’une est issue d’un milieu aisé et que l’autre habite une triste banlieue. La raison d’être du film est l’attraction mutuelle de ces deux âmes. Au son de quelques notes de piano dissonantes, qui plongent le spectateur dans une atmosphère presque onirique, les regards se fuient, puis s’affrontent ; les corps s’évitent puis se rapprochent. À bord d’un train, les deux jeunes femmes poseront pour la première fois les yeux l’une sur l’autre. Mais cette fois-là, leurs regards ne se croiseront pas.
L’épopée séductrice commencera dans la brume d’un sauna réservé aux femmes, là où les corps nus dévoilent leur vulnérabilité. Comme dans Naissance des pieuvres, de Céline Sciamma, l’eau est un refuge dans Nude Area. C’est là où les baisers se rêvent. Le long des peaux, elle ruissèle dans un rythme sensuel. La frêle brunette trouvera avec ses vêtements une lettre décorée d’un cœur. Elle la parcourt et découvre quelques mots d’amour. Fière, elle flâne désormais un brin hautaine, veste en cuir sur le dos, le teint diaphane embelli de son regard bleu. Sous la brume du sauna, elle distinguera finalement sa mystérieuse prétendante aux boucles dévoilées. L’audacieuse brune arpentera les rues pour s’emparer du regard de celle qui l’envoute. Chic et arrogante, elle saura provoquer sa proie pour mieux l’attiser.
Sous son voile blanc, malgré ses gestes hésitants, Imaan Hammam est objet de fascination. Pourtant, lorsque, coincés par la caméra d’Antoniak, les visages s’entremêlent, c’est elle qui défiera du regard sa prédatrice. La séduction s’intensifie et ne fait plus peur. Les peaux se respirent, les bouches simplement se frôlent et les visages sont effleurés du bout des doigts. Le jeu charnel n’est pas malsain, les mains incertaines qui caressent à peine les corps redonnent à cette alchimie toute son innocence. Dans Nude Area, au cœur de cette douce lasciveté féminine, la religion musulmane vacille. Les attractions s’entrechoquent et les chevelures se dévoilent.
Pour visionner la bande-annonce: https://vimeo.com/132319330
Par Fanny Dupond