Vous savez que le clitoris d’une hyène est aussi grand qu’un pénis et qu’il bande en plus? Le clitoris d’une hyène d’accord, mais qu’en est-il du clitoris d’une femme, une vraie? Pour en savoir beaucoup plus, on a fait appel à Jean-Claude Piquard, auteur de La Fabuleuse histoire du clitoris. Il a répondu sans langue de bois à toutes nos questions.
Entrevue
1- Est-ce qu’on a raison de dire qu’un clitoris bande autant qu’un pénis?
Bien que les processus soient identiques, l’érection du clitoris est généralement plus modérée que celle du pénis. Le gland ainsi que le corps, qui soutient le gland, sont érectiles. L’érection moyenne du clitoris est d’environ 8 mm. Un autre aspect de l’érection moins connu : lors de l’érection du clitoris, l’afflux de sang va aussi irriguer les bulbes vestibulaires qui font partie du clitoris et qui entourent le vagin (situées sous les grandes lèvres). Leur gonflement permet une ouverture de la vulve, plus ou moins prononcée pour chaque femme. D’où l’expression : elle a le sexe en fleur!
2- Quelle est la taille moyenne d’un clitoris?
Au repos, pour la majorité des femmes, la partie visible du clitoris (le gland) est comme un petit bourgeon rose de 3 ou 4 mm. Chez certaines, il est plus petit, parfois à peine visible. A l’inverse, il peut aussi mesurer jusqu’à 1 cm! Ce sont des variations anatomiques connues. L’hypertrophie est rare mais lorsque le clitoris fait quelques centimètres, il ressemble étonnamment à un petit pénis! Son érection est alors surtout remarquable par le fait qu’il se redresse. Pour information, du 16ème jusqu’à la fin du 19ème siècle, l’hypertrophie du clitoris était appelée le clitorisme.
Le mot a disparu au 20ème siècle en même temps que la disparition du mot clitoris, jugé infantile par Freud (dans les années 1960, le mot clitoris avait disparu de tous les dictionnaires). Le clitorisme était caractérisé lorsque le clitoris était plus grand que le petit doigt! Dans les textes anciens, le clitorisme inspirait la peur, la crainte de la femme phallique. Dans les traités d’anatomie humaine, j’ai souvent trouvé cette phrase : « le clitorisme est le mépris de l’homme ». Des médecins le traitaient par l’excision…
3- Qu’est-ce qui fait bander un clitoris? Est-ce qu’il y a des techniques ou astuces infaillibles?
Comme pour l’homme, l’érection du clitoris peut être spontanée, en réponse au désir (psychique), ou réflexe, en réponse à une stimulation directe du clitoris (mécanique). Ces deux types d’érections sont agréables et se conjuguent souvent ensemble. Comme pour l’homme, l’érection spontanée peut s’atténuer avec l’âge. Autant l’homme apprécie une stimulation un peu tonique sur sa verge, autant la stimulation du clitoris doit être douce, régulière et surtout vibratoire, de petits mouvements légers et rapides.
Les sextoys à vocation clitoridienne vibrent sans s’agiter dans tous les sens. Contrairement à l’homme, il ne faut pas augmenter la stimulation lorsque l’orgasme de la femme approche, il faut généralement garder une stimulation constante. Une stimulation trop forte est vite douloureuse. En effet, le gland du clitoris est très innervé et comme il est petit, les terminaisons nerveuses sont très denses d’où une hypersensibilité qui devient facilement douleur si la stimulation est trop forte.
4- Qu’est-ce qu’il ne faut surtout pas faire au risque de faire « débander » ou de ne pas faire bander du tout sa partenaire?
En consultation, des femmes se plaignent parfois d’un/e partenaire qui s’active trop vite sur leur clitoris endormi! Dans cette configuration, l’érection spontanée, liée au désir, n’est pas encore active et le clitoris réclame alors une stimulation plus lente et attentionnée au début, le temps que l’érection réflexe se manifeste. Parfois aussi, la stimulation clitoridienne est trop précoce, la femme a peut-être besoin de caresses ou de baisers afin que son désir s’éveille et réveille le bouton magique encore assoupi.
D’autres femmes se plaignent aussi de caresses clitoridiennes chatouilleuses. Là encore, la stimulation du clitoris est trop précoce, l’érection spontanée, liée au désir, n’est pas encore engagée, donc la forte innervation du clitoris réagit sur un mode désagréable. Parfois, la vulve toute entière a besoin de s’habituer au contact : commencer par une caresse intime très lente afin d’éveiller toute la vulve.
5- Est-ce qu’une femme aussi peut être « en panne »? Autrement dit, ne pas réussir à avoir une érection clitoridienne?
Au cours de la vie, le clitoris peut rester insensible pendant quelques semaines. Rien de grave, un coup de fatigue, une maladie ou son traitement, une déception amoureuse, un deuil … Si cette panne dure plusieurs mois, il faut envisager de consulter, la principale cause étant une modification hormonale (liée aux œstrogènes) qu’il est souvent facile à traiter.
6- Est-ce qu’on peut mouiller sans bander?
Probablement mais il n’y a pas d’étude scientifique sur ce sujet! La lubrification vaginale provient de l’afflux sanguin dans le vagin, certains parlent même d’érection du vagin qui effectivement se gonfle lors de l’afflux sanguin lié au désir. Or c’est le même système nerveux (parasympathique) qui commande l’afflux sanguin tant pour le vagin que pour le clitoris donc la synchronicité est très probable, avec toutefois des variations : chaque femme a son propre rythme d’excitation qui en plus varie selon les circonstances.
7- Pourquoi, aujourd’hui encore, on ne parle pas ou peu de l’érection du clitoris?
On parle peu du clitoris, c’est vrai. Cela résulte d’une séquelle de la grande vague d’obscurantisme clitoridien du 20ème siècle dont le point culminant a été dans les années 1960. Étonnant, non? C’est d’ailleurs le thème de mon livre intitulé La fabuleuse histoire du clitoris. Aujourd’hui, le clitoris est de nouveau présent dans les médias et dans la société civile mais reste incroyablement absent du monde médical. Il y a encore trop peu d’études scientifiques sur le clitoris. Plus étonnant encore, la médecine fait circuler des informations douteuses comme la controversée sensibilité des bulbes vestibulaires qui jouerait un rôle dans l’orgasme vaginal… C’est le thème de mon prochain livre. À suivre…
Par Daisy Le Corre
Photographie par Catherine Rose Dionne